INTEGRATION
SCOLAIRE

Le B.O.
N°21
23 mai
1996

Actualité

Inventer des passerelles

Pascale Machelot, institutrice spécialisée, et Sandra Barelli, éducatrice, responsables d'une classe intégrée pour adolescents autistes au collège Jean Moulin, à Meudon-la-Forêt, dans les Hauts-de-Seine, cherchent à favoriser des processus d’acquisitions comportementales et scolaires qui devront rendre possible une insertion sociale à l'âge adulte.

" Dans le métier d'enseignant, c'est la communication entre les êtres humains qui est mon principal intérêt, avoue Pascale Machelot, institutrice spécialisée dans une classe intégrée pour adolescents autistes du collège Jean Moulin, à Meudon-la-Forêt dans les Hauts-de-Seine. J'ai toujours privilégié l'aspect relationnel! " Goût du paradoxe? Nullement. Car pour cette jeune enseignante, travailler avec des autistes signifie "inventer des passerelles" entre leur façon de penser et la nôtre. "J'aime assez les défis, remarque-t-elle en souriant, et je recherche la complexité ... Avec les autistes, on fait en quelque sorte l'expérience des limites. C'est pourquoi il faut accepter de se remettre en question pour progresser. "Titulaire du certificat d'aptitude aux actions pédagogiques spécialisées d'adaptation et d'intégration scolaires option E qui forme les maîtres chargés de l'enseignement et de l'aide pédagogique auprès des élèves en difficulté, Pascale Machelot a enseigné pendant trois ans dans une classe intégrée de l'école Jean Jaurés, à Chatenay-Malabry. "Le travail au collège Jean Moulin, dans une classe qui, depuis mars 1993, existe à l'intérieur de la section d'enseignement général et professionnel adapté, est une suite logique, remarque-t-elle. Il faut accompagner les adolescents dans leur évolution, à l'âge où leur socialisation se développe."

Elle accomplit cette mission difficile en compagnie de Sandra Barelli, éducatrice spécialisée, dont c'est le premier poste. Il faut en effet parfois gérer l'angoisse "explosive" de trois garçons et de deux filles de 14 à 17 ans. "Notre rôle, indique Pascale, est de leur donner des moyens pour moins dépendre de la présence des adultes. Cela est très complexe pour des adolescents autistes qui, dans le même mouvement aspirent à plus d'autonomie, voire de solitude, et ne peuvent se passer de référents qui les rassurent." En dépit de ces difficultés, l'enseignante et l'éducatrice se battent quotidiennement pour favoriser des processus d'acquisitions comportementales et scolaires qui devront rendre possible une insertion sociale à l'âge adulte.

 

UN PROJET ÉDUCATIF INDIVIDUALISE

La classe intégrée occupe deux salles du collège, dans l'aile de la SEGPA. Grâce à la disposition du mobilier, l'espace est "découpé" pour permettre aux élèves de repérer des "zones" d'activités. Fortement rythmées - "on ne peut, constate Pascale, échapper à une certaine ritualisation avec les élèves autistes" - les journées se partagent en temps de travail individuel avec l'une des deux adultes, en activités autonomes, en récréations ou en temps de convivialité comme des goûters préparés en commun dans le coin "snack". La recherche d'une plus grande socialisation guide le travail de la classe. Un bilan hebdomadaire est transmis aux familles, partenaires essentiels associés au projet éducatif individualisé pour chaque adolescent. Ce projet, en liaison avec le service éducatif et social de soins à domicile, est réactualisé deux fois par an.

La volonté d'intégration dans la vie "ordinaire" du collège rassemble les énergies qui se mobilisent pour cette classe. Jacques Mihelcic, principal du collège Jean Moulin, et Anne-Marie Le Vaillant, directrice de la SEGPA, remarquent que la présence de la classe favorise la "socialisation de tout le monde". "Chacun apprend à vivre avec la différence de l'autre, assure Anne-Marie Le Vaillant. Quand les échanges existent et que l'information circule on arrive à surmonter les inévitables conflits de voisinage." Mieux encore, au-delà des réunions de synthèse qui réunissent tous les personnels de la SEGPA, une forme de tutorat est en train de s'ébaucher. Tutorat "réciproque", puisque si des élèves de sixième de la SEGPA aident leurs camarades autistes à la cantine, les mêmes et d'autres élèves du collège viennent librement participer aux activités de la classe intégrée. "L'intégration est un effort permanent, souligne Pascale Machelot. Les progrès sont très lents et parfois très fragiles. Aussi, il y a des succès qui nous paraissent extraordinaires..." C'est le cas pour Arnaud qui, dorénavant, peut se concentrer sur un puzzle pendant une dizaine de minutes ou pour Georges qui participe au cours d'EPS d'une classe de 4e et, tous les midis, aide le personnel de service, particulièrement attentif et bienveillant, à mettre le couvert. L'an prochain, sous la conduite du professeur d'éducation musicale, un autre élève, Dominique, sera intégré à l'atelier-musique du foyer socio-éducatif.

Sandra Barelli et Pascale Machelot estiment indispensable la collaboration étroite qu'elles entretiennent avec le personnel médical et para-médical qui constitue le plateau technique" autour des élèves autistes. "Le repli sur une solution purement pédagogique et éducative est stérile, précisent-elles. La prise en charge psychologique de ces adolescents est une nécessité." Prise en charge globale pour, deux ans à l'avance, préparer dans les meilleures conditions d'autonomie l'entrée dans la vie adulte des élèves qui leur sont confiés.

Propos recueillis par Gérard DOULSAN

 

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